vendredi 2 décembre 2011

Annulation de la dette: impossible?

Illustration de ©Benjamin Baret

Une seule revendication : L’annulation de la Dette !

Un grand battage médiatique se concentre sur des solutions « miracle » à la crise, la plupart centrées sur la monnaie. En résumé : si la crise de l’euro est si intense, c’est uniquement parce que la Banque centrale européenne n’agit pas comme ses consœurs américaines ou anglaises, à savoir faire marcher la planche à billets, grâce à quoi, en apportant les liquidités nécessaires, nous allons sortir de la crise. C’est une revendication commune à la Gauche et à la Droite. Voyez par exemple les prises de position récentes de MM. Attali pour la première, Juppé pour la seconde… Il leur reste comme différence que les uns prendraient bien le contrôle des Banques par une nationalisation « socialiste », les autres renforceraient leur mainmise dans l’ombre, plus conforme à leur orientation « libérale ».

Il n’y a pas de solution monétaire

Dans un excellent article publié il y a quelques jours : « BCE : pourquoi Alain Juppé n’a pas raison, par Olivier Berruyer, 24/11/2011 » (http://www.les-crises.fr/alain-juppe-a/), l’auteur rappelle les fondamentaux de la crise. Nous ne sommes pas dans une crise monétaire mais dans une crise du CRÉDIT ! Elle n’est due ni à des questions de taux de change ni de taux d’intérêt, etc. C’est un « bête » problème de surendettement : les États ont contracté des dettes colossales, qu’ils ne peuvent rembourser ET dont ils ne peuvent bientôt plus assumer les intérêts, des dettes dont le système économique tout entier ne peut supporter la pesanteur. Cette crise ne se solutionnera donc pas par des moyens monétaires, mais uniquement par la résorption d’une Dette qui est devenue un fardeau insupportable.
En l’occurrence, les moyens monétaires proposés sont donc des voies déguisées pour proposer en catimini une sortie d’apparence simple et lumineuse, mais aux conséquences désastreuses. Rien d’autre.
Il n’y a en gros que deux voies d’opérer la liquidation de la Dette :
– Une annulation pure et simpleOn reconnaît que cette Dette faramineuse est une forme de Cancer sur le mode duquel notre monde, depuis un siècle, a poursuivi le simulacre d’une vie éteinte. Reconnaître que cette Dette est nulle et non avenue. Dommage pour ceux qui ont investi dedans, ils ont tout perdu. C’est un risque dans tout investissement, et là il faut qu’ils assument les conséquences de leurs bénéfices passés. A trop charger le baudet, dans leur propre intérêt apparent, ils l’ont tué. Dans ce cas, ce sont les FINANCIERS qui supporteront la charge principale de la remise à plat.[1]
- Une hyperinflation. On multiplie la monnaie de singe, et comme la Dette est libellée en monnaie (dollars, euros, etc.), le jour où la baguette vaudra 7€, comme je le disais récemment, la Dette apparaîtra d’une dimension relativement mesurée. Il est clair que si demain le salaire minimum n’est plus de 60€ mais de 600€, vos taxes et impôts seront eux aussi multipliés par 10. Par contre la Dette restera de 80 milliards d’euros, et sa charge, divisée par 10 donc relativement, et même avec des taux d’intérêt de 10 ou 15%, elle sera réduite à quasi rien dans le budget de l’État, pour autant que subsiste un État. Par contre dans ce deuxième cas, ce sera la POPULATION dans son ensemble qui subira le choc principal. Or c’est bien cette solution que privilégient directement nos réformateurs monétaires, qu’ils soient de gauche ou de droite !
Le problème est que ni les financiers ni les États ne sont prêts à envisager la première solution, il ne leur reste donc qu’à nous faire digérer, sous l’un ou l’autre prétexte, la seconde, qui, tout en leur causant un mal moindre, assure leur avenir de financiers et de politiciens. L’hyperinflation est un accident dans le système, le défaut global en marquerait la fin !

QE1, QE2, QE3… et taratata !

Il est vrai que les États européens n’ont réagi à la crise de 2008 que par la politique de l’autruche. La réaction des États-Unis a, elle, été entièrement monétaire. Ils ont fait fonctionner la planche à billets dans des opérations de « facilitation » (quantitative easing) qui ont évité l’impact immédiat du météorite Dette sur la planète, mais dont l’effet sur la crise a été NUL. Ce sont près de deux mille milliards de dollars qui ont été ainsi semés à tout vent, sans autre effet que de rassembler dans les mains de la Banque centrale américaine (la FED) la contre-valeur en bons du Trésor dont bientôt plus personne ne voudra, lorsque la crise aura atteint son paroxysme. Faire la même chose en Europe, cela voudrait dire que la Banque centrale européenne (BCE) entasserait dans ses coffres, en échange des billets émis, les obligations grecques, portugaises, irlandaises, espagnoles, italiennes et bientôt belges, françaises et même néerlandaises ou allemandes, dont personne ne voudra. Jadis on aurait dit qu’au moins ils auraient de quoi allumer leur feu, mais comme toutes ces opérations ont des supports électroniques, on ne voit pas très bien à quoi elles pourront servir ! La BCE deviendrait ainsi une gigantesque poubelle de milliards d’euros, alors que dans le même temps il nous faudrait un seau pour aller acheter le pain, une brouette pour tout objet plus important.
On lit de temps en temps, dans les colonnes d’Agoravox comme ailleurs, les plans simplicissimes de géniaux bricoleurs du Système qui vont nous retaper ça d’un coup de baguette magique. «  Il n’y a qu’à » prendre la main sur les financiers et imposer nos volontés : l’euro comme ci, les taux comme ça,… les taux, les taux, oui, mais l’étau  ? que fait-on de la Réalité ? … on la gomme ainsi d’un coup de baguette magique ? Ou alors on croit vraiment (ou on fait semblant de croire) que nous butons sur un simple problème technique, accru par la cupidité des uns et par l’incompétence des autres ? Vous croyez vraiment que cette masse immense de consommation, pour la plus grande part inutile et malsaine, qui nous inonde… c’est un problème technique ? Il y a près d’un siècle que notre société a pris le chemin de la FOLIE, il est temps de le reconnaître et d’accepter qu’il n’y a d’autre solution que de faire éclater la bulle dans laquelle nous nous sommes tous emprisonnés

Après,… ? oui, après… ?

Qui voudra encore avancer le moindre centime aux États quand ils auront fait défaut ?
Sinon, on fera comme avec l’inflation des années trente… mais cette fois combien de siècles faudra-t-il pour remonter une telle pente ? Il est évident que dans l’optique d’une hyperinflation, nos géniaux bricoleurs proposent de continuer comme ci-devant, après deux ou trois générations sacrifiées sur l’autel de l’État et de la Phynance. Basta, on rase, on fonde une nouvelle monnaie, saine, on reprend un système d’emprunts sur une base plus solide, avec des États dont les dépenses soient contrôlées, et, comme ci-devant, le Crédit trouve de nouvelles failles, la Phynance bricole. Quelques siècles noirs  de relance, un bref emballement… et on remet ça, comme si rien ne s’était passé ? C’est ça que vous voulez ? Je ne le pense pas.
C’est d’une remise en question HISTORIQUE qu’il s’agit présentement. Nous nous trouvons dans une situation comme il ne s’en est pas présenté beaucoup dans l’Histoire de l’humanité. Et la question qui se pose n’est pas : comment les États, comment nos dirigeants vont-ils redresser la situation et assurer notre futur bien-être. La question est : comment allons-NOUS reprendre notre situation en mains et construire notre avenir et celui des générations qui nous suivent. Il y a des lustres que les plus lucides d’entre nous VOIENT que nous fonçons à une vitesse grand V dans un MUR. Il y a des années que nous posons tous la question : Où va-t-on ? Aujourd’hui, et demain plus encore, nous voyons où nous en sommes. A nous tous de remettre sur le tapis nos petites certitudes et de relancer une autre dynamique… c’est bien évidemment tout autre chose que de consommer. En sommes-nous encore capables ? CHICHE !

[1] Les fonds de pension ayant disparu dans la tourmente, il faudra envisager la manière dont nous allons assumer la charge de nos anciens.
par Maltagliati.
Maltagliati est publié chez fantasques éditions:https://sites.google.com/site/fantasqueseditions
Le mauvais rouage, linogravure de ©Benjamin Baret

Aucun commentaire: